La fabuleuse histoire de mon premier achat immobilier…
J’ai publié un résumé dans r/immobilier en réponse à une demande de conseils pour un premier achat, voici la version longue et détaillée ! En intro, c’était mon premier achat, aucune connaissance ou expérience de ma part dans ce domaine, je n’avais pas de notaire et n’avais jamais eu affaire à un notaire ou un avocat.
Début 2017 : C’est l’heure de penser à acheter mon premier appartement. J’habitais à Paris et je voulais acheter en proche banlieue à côté d’un métro en construction (j’avais passé le permis moto pour me déplacer en attendant). Je cherche, je visite, je compare, j’étudie, bref une vraie activité extra-professionnelle vraiment intéressante !
Mai : Je visite un appartement refait à neuf, mais dans un quartier qui ne me plaît pas et dans un immeuble qui me plaît encore moins. Le vendeur m’indique qu’il en a un autre disponible pas loin, le quartier est moins pire, et même si l’immeuble est une énorme barre avec des centaines d’appartements, l’intérieur de l’appartement est parfait, neuf, propre, bien agencé, et coché toutes les cases jusqu’au budget !
Ce vendeur est un marchand de biens qui achète au tribunal des appartements saisis, les retape (tous pareil, les mêmes finitions) et les revend. Aucun souci avec ça, surtout que j’ai affaire à un « professionnel » ! Bien sûr, vu l’offre exceptionnelle, il a déjà des acheteurs sur le coup et je dois me décider rapidement ! (🚩)
Je réfléchis quelques jours et je me décide à acheter cet appartement ! Je reçois quelques documents par Whatsapp (pas tout), je contacte mon banquier pour le prêt, et le rdv est pris le LENDEMAIN à 9h chez le notaire du vendeur pour signer la promesse de vente.
Le rdv est pris dans un bel immeuble parisien, un cabinet avec une belle devanture, tout ce qu’il faut pour me mettre en confiance. Peu de monde à l’officine à 9h mais bon je ne m’inquiète pas. On signe la promesse, le notaire me remet les documents dans une belle pochette au logo du cabinet et tout et tout.
Prochaine étape : à moi d’obtenir le prêt !
Et je viens de relire la conversation WhatsApp avec le vendeur, et avec le recul je me rends compte de la folie de la situation : à ce moment le vendeur me demande s’il peut appeler mon banquier à mon nom. Naïf comme tout je dis ok, et le vendeur a appelé pour mettre la pression à mon banquier pour qu’il se dépêche de monter le dossier ! 🚩🚩🚩
Mai - Juin : La période est à l’attente et la finalisation du dossier de prêt, le délai de réflexion légal, la signature etc. Durant cette période j’échange avec mon entourage qui me conseille d’avoir mon propre notaire. Je prends donc attache avec un notaire qui allait s’occuper pour la première fois d’un dossier familial.
Fin juin : On a un peu échangé par message avec le vendeur sur les plans etc. Rien de palpitant. Fin juin j’indique au vendeur que le prêt est validé, les notaires sont prévenus et que tout sera bon pour tout début juillet (disons le 5) ! Youpi ça avance, je vais avoir les clés et je prépare mes cartons.
Le notaire insiste pour qu’on prenne rendez-vous le 6 au matin pour finaliser la vente ! Les embrouilles commencent… Le rendez-vous n’est pas pris car mon notaire ne répond pas, et quand il répond c’est pour demander des documents, quel relou celui-là ! (Me dis-je à l’époque, attendez la fin).
Le vendeur me met la pression et m’appelle très souvent pour que je presse mon notaire. Les documents demandés ont déjà été transmis, et il est trop lent à répondre (mon notaire). Le vendeur « n’a jamais eu affaire à quelqu’un d’aussi peu professionnel ». (Il sait que c’est mon premier notaire et que je ne connais pas le système, donc il me fait croire que j’ai le droit d’exiger des délais 😂).
Je mets donc naïvement la pression à mon notaire que je n’avais jamais rencontré. Sauf que : le vendeur n’avait pas fourni l’acte de propriété (oups), donc pas de signature. Le vendeur me raconte que sa secrétaire a oublié de le scanner avant que le dossier ne reparte au tribunal, mais qu’il va aller le récupérer.
Mon notaire en a marre de mon insistance et m’informe au bout de quelques jours qu’il arrête tout et qu’il refuse mon dossier. J’avais un rendez-vous prévu pour le « dossier familial » et il l’annule.
Puisque je n’avais pas rendez-vous seul, le membre de ma famille qui avait rendez-vous avec moi me dit un peu énervé « moi il ne m’a rien annulé, donc on y va ». Des conditions « parfaites » pour une première rencontre. J’ai eu énormément de chance, car je me suis trouvé face à un vrai professionnel. Une armoire à glace de 2m x 2m qui a pris le temps de nous expliquer sa vision de la situation.
« Le vendeur est marchand de biens, il veut récupérer rapidement son argent pour racheter un appartement etc. La il a fait les travaux sans avoir l’acte de propriété. Si je suis votre notaire, mon rôle est de vous protéger et donc de m’assurer que tout soit fait correctement. Si vous voulez signer demain allez-y, par contre si après vous vous rendez compte qu’il y a un problème ne venez pas pleurer. » Conclusion : je demande au notaire de bien vouloir reprendre le dossier, et que je respecterai ses règles, ses délais, et suivrai ses conseils.
Donc on attend que le propriétaire récupère l’acte de propriété. À savoir, je l’ai prévenu dès ce moment là que je partais deux semaines fin août en vacances, que je ne serai pas disponible et que je n’aurai pas de réseau pour répondre au téléphone. Il me dit qu’il récupérera le papier début août et qu’on pourra signer avant. Entre temps, comme tout devait aller vite vite, j’ai signé mon prêt que je commençais à rembourser ! (Important pour la suite) Et je vivais dans les cartons !
On arrive le 18 août (je partais le 27), le vendeur m’envoie un message m’informant qu’il a reçu l’acte, et qu’on doit prendre rendez-vous très vite pour signer ! Pire semaine de l’année pour faire ça, tout le monde est en vacances. J’arrive quand même à joindre mon notaire et je lui explique la situation. Il me dit qu’il tente de contacter le notaire du vendeur mais sans succès.
Le vendeur m’explique alors que son notaire est en vacances et que le mien peut l’appeler sur son numéro portable personnel. Mon notaire m’explique très calmement que ça ne se passe pas comme ça : il contacte un cabinet notarial, s’il appelle un portable, qu’est-ce qui lui assure d’avoir un notaire au bout du fil ?! (Notez bien ce détail pour la suite…)
De plus, le lendemain de la réception des documents, mon notaire n’a pas eu le temps d’étudier l’acte, qui n’est pas juste une attestation mais un document de plusieurs pages. Donc mon notaire me dit qu’on attend, et qu’on verra ça à mon retour de vacances : ok pas de souci !
Le vendeur se fâche et me demande de faire une procuration à mon père (qu’est-ce qu’il vient faire dans cette histoire lui ??!!) pour qu’il signe à ma place. Bah non, c’est moi qui achète, mon père n’a rien à voir dans le dossier, donc je refuse et je lui dis qu’on verra à mon retour.
Je pars en vacances, et avant de rentrer je récupère le wifi et mes parents me demandent si on peut s’appeler. Durant ma semaine hors réseau, le vendeur a envoyé un huissier chez mes parents (chez qui je n’habitais plus depuis des années !) pour me remettre une convocation à me rendre chez son notaire tel jour à telle heure pour signer la vente.
La cerise sur le gâteau ? Mes parents n’étant pas là, l’huissier a sonné chez leur voisin et lui a dit qu’il venait pour que je sois convoqué car j’étais un mauvais payeur et que je n’avais pas honoré une promesse que j’avais signé etc. (Toute l’histoire avec tous les détails, du point de vue du vendeur…).
J’en fait part à mon notaire qui explose de rage et qui m’explique ce que lui a fait durant mes vacances. Bah il a étudié le document et il a enquêté. Accrochez-vous…
Le vendeur a acheté l’appartement au tribunal suite à une saisie. Sauf que la personne saisie a reçu cet appartement en donation de la part de sa mère, et la donation stipulait que l’appartement ne pouvait pas être vendu (et donc par extension, pas être saisi).
Donc mon notaire a vérifié si ça pouvait être un problème. Il s’avère que sur ce même acte de donation, la mère a indiqué que cet enfant était son seul enfant, puis elle a barré au stylo cette mention le jour de la signature auprès de son notaire, dans une ville de province (disons Rouen).
Mon notaire a appelé le cabinet, dont le notaire avait changé, mais qui est allé consulter les archives pour sortir le contrat original. Analyse de mon notaire : la dame a plusieurs enfants et voulait en favoriser un en lui donnant cet appartement.
Conséquence : à la mort de cette dame (encore vivante à l’époque), ses héritiers auront 10 ans pour venir récupérer l’appartement. Sacré sursis pour moi si j’avais acheté… Solution : convoquer cette dame et tous ses enfants, et leur faire signer un document stipulant qu’ils refusent de récupérer l’appartement (donc à Rouen, alors que nous on était en banlieue parisienne).
Autre analyse de mon notaire : le vendeur s’en est rendu compte trop tard et il veut se débarrasser à tout prix de cet appartement. Stratégie du notaire : il m’accompagne à la convocation mais on fait semblant de ne pas se connaître dans la salle d’attente.
Je rentre en France, retourne vivre dans mes cartons, et attend avec impatience la convocation ! Aller, trois coups de bâton, le rideau s’ouvre, que le spectacle commence !
Je retourne dans l’office notariale du notaire du vendeur. En arrivant je vois mon notaire qui me fait un sourire en coin mais ne dit rien, et le vendeur qui, en toute détente, se lève et le dit « Ahhh monsieur comment allez-vous ? Alors ces vacances ? C’était bien là où vous étiez ? »
Donc le mec a envoyé un huissier chez mes parents et il tape la discussion comme si on était potes. En même temps il était persuadé que j’allais lui virer une petite somme sympathique. Son notaire ouvre la porte, on entre, et au moment de fermer un pied se cale dans la porte, et mon armoire à glace de notaire entre dans la pièce.
Le visage du vendeur se décompose, après de rapides présentations, il dit « ah mais je ne savais pas que vous alliez venir accompagner Monsieur ». On s’assied, et le vendeur commence son discours de vendeur-escroc. « J’ai personnellement beaucoup aidé financièrement la personne qui s’est fait saisir son appartement, bla-bla-bla ».
Au bout de deux phrases, mon notaire le coupe et lui explique en long, en large, et surtout en travers l‘enquête qu’il a menée et les résultats ainsi que les conclusions. Les problèmes, les risques et la fameuse solution de convoquer la famille de la donatrice.
Le vendeur ose à ce moment dire cette phrase que je peux encore entendre : « Ah mais vous travaillez trop bien monsieur, je ne savais pas que l’acheteur allait avoir un notaire aussi sérieux, méticuleux et professionnel. J’ai plutôt intérêt à ne pas vendre à Monsieur mais à le vendre à quelqu’un d’autre qui ne posera pas de questions. »
Arrive donc la question : on fait quoi maintenant ? Mon notaire me demande si je veux toujours l’appartement. Je dis que oui si le problème est réglé. Nous convenons donc que le vendeur a 3 semaines pour convoquer la famille et faire signer le document, sans quoi j’annule la promesse de vente.
Le vendeur indique que le rendez-vous est terminé, merci au revoir. Sauf que non… Mon notaire indique que puisque j’ai été convoqué via un huissier, il faut me remettre un procès verbal attestant que je me suis présenté à la convocation. Sinon, au vu des méthodes douteuses du vendeur, il va à coup sûr m’accuser de ne pas être venu et demander à faire exécuter la vente !
À cet instant, je vous le vendeur faire la tête des témoins dans Ace Attorney quand on leur dit « Objection ! ». Et encore plus beau à voir, le notaire du vendeur se liquéfier sur place. Ce dernier indique : « Mais en fait je ne suis pas notaire »
« C’est l’office notariale de mon oncle et il n’est pas là, il n’y a donc aucun notaire ici actuellement, moi je ne suis que clerc de notaire. » Mon notaire explose alors et leur demande s’ils se moquent de nous. Il indique qu’il ne bougera pas sans son PV et les menace de les dénoncer à l’ordre des notaires. Le vendeur ose (encore) dire à mon notaire : « Mais vous êtes notaire vous, faites le le PV ! »
Ce à quoi le mien répond : « Si on avait fait ce rendez-vous dans mon office je l’aurais fait, là vous faites les malins à envoyer un huissier chez les parents de mon client et vous le convoquez ici, donc vous vous démerdez. »
C’est donc tout tremblant que le clerc de notaire du vendeur a couru dans un bureau pour rédiger un papier attestant que je m’étais présenté à la convocation. Il est revenu et a tendu le courrier à mon notaire qui l’a relu et qui a dit « C’est trop vague, vous allez m’écrire ça aller je vous le dicte »
Donc scène irréelle dans ce grand cabinet parisien de voir le rapport de force qui change. Nous sommes donc repartis sans PV mais avec un joli courrier et un clerc de notaire tout tremblant. Arrivés dans l’ascenseur, à la seconde à laquelle la porte s’est fermée, nous nous sommes regardés avec le notaire et avons éclaté de rire.
« Mais quelle bande de clown » ont été nos premiers mots. Il m’a ensuite expliqué que le vendeur n’ira sûrement jamais chercher les documents et que je pouvais chercher autre chose. Je tenais quand même à « bloquer » le vendeur un peu plus longtemps sinon c’était trop facile…
Deux jours plus tard, le vendeur m’appelle et m’annonce qu’il n’ira pas à Rouen pour faire signer la famille de la dame etc. Donc je peux rompre tout de suite la promesse de vente et on en reste là.
J’en parle à mon notaire (on est début octobre) mais je lui indique aussi que je veux demander des dommages et intérêts. Les raisons sont simples : j’ai commencé à rembourser mon prêt dont les intérêts et frais de dossier ne me seront pas remboursés, le prix de l’immobilier a augmenté en 6 mois donc je vais devoir acheter plus cher, + j’ai invoqué mon préjudice moral d’habiter dans des cartons et d’avoir été mis sous pression de par mon inexpérience.
Je demandais 5000€, les notaires entre eux se sont arrêtés sur 3500€. Je reçois un papier à signer pour stipuler que je renonce à la promesse de vente (rédigé par le clerc du vendeur, envoyé par le vendeur à moi directement). Plus aussi inexpérimenté, je transfère à mon notaire. Il échange avec le fameux clerc du vendeur et d’un commun accord ils rajoutent une clause.
La clause toute innocente indiquait qu’après avoir signé ce document ni l’un ni l’autre ne pouvait lancer de poursuite judiciaire. En gros « on en reste là ». C’est classique, et surtout les deux notaires étaient unanimes sur la pertinence de la clause !
Je signe, et puis je me prends des messages vocaux du vendeur qui m’indique que je ne suis pas une personne correcte car j’ai ajouté des clauses dans son dos sans lui en parler et bla-bla limite insultant. Je lui indique que c’est nos notaires qui ont vu ça entre eux et que ce n’est pas moi, il ne veut rien entendre.
Et me voilà donc libéré à chercher un autre appartement. Je décide de passer par une agence, et dans la beauté des coïncidences… j’ai reçu l’argent du dommages et intérêts le jour de la signature du compromis de vente de mon appartement actuel !
Deux semaines plus tard, le vendeur m’envoie des vidéos WhatsApp d’annonces pour vendre les nouveaux appartements qu’il vient de retaper.. en toute détente !!
C’est drôle que je repense à cette histoire aujourd’hui. L’appartement est en location depuis 2021 et les locataires sont partis il y a quelques jours. Les meubles sont irrécupérables et l’appartement vraiment dans un sale état. Mais bon, c’est minime par rapport à ce que j’ai évité.
Quelle morale ou conseils tirer ce tout ça ? - Ayez toujours VOTRE notaire. Il est là pour défendre vos intérêts, quand le notaire du vendeur est là pour défendre les siens (enfin s’il est notaire déjà et pas juste clerc de son oncle…). - On ne se presse pas. La vie ça prend du temps, les notaires ça peut être long, et aucune affaire n’a été ratée pour cause de notaire trop lent (enfin je ne pense pas). Ça n’empêche pas de le relancer et de prendre des nouvelles, mais pas de pression. - Une fois la promesse signée, vous parlez à votre notaire, qui lui va parler au notaire de l’autre partie. À la moindre pression ressentie de la part de l’autre partie, vous vous en référez à votre notaire et vous bottez en touche. - Pour tous ces conseils, vous pouvez remplacer notaire par avocat, c’est la même chose.
En tout cas aujourd’hui même en ayant déménagé, j’ai un notaire en qui j’ai confiance, et tout passe par lui : contrat de mariage, succession, etc.
Voilà l’historie est terminée ! N’hésitez pas à poser des questions si besoin !